Opus 5 École De Musique Maurice Durufle

Photography: Luc Boegly
Date: May 17, 2015

LE SITE

L’ancien couvent des Pénitents, en centre-ville de Louviers, est un exemple très exceptionnel de « cloître sur l’eau » formé d’un assemblage complexe de constructions consécutives. Le couvent a été construit entre 1646 et 1659 pour les frères du Tiers Ordre de Saint-François sur un terrain traversé par un bras de l’Eure. Il était originellement composé d’une église à l’ouest, de deux ailes conventuelles au sud et à l’est et du cloître central au milieu duquel coule le bras de l’Epervier, ce qui lui vaut aujourd’hui encore la dénomination de « cloître sur l’eau ». En 1789, le couvent est vendu comme bien national, les bâtiments conventuels sont alors transformés en prisonetl’égliseentribunaldepremièreinstance.Ce changement d’affectation entraine des modifications architecturales importantes. Dès l’origine de la prison, l’aile sud est agrandie au-dessus de la galerie de cloître. En 1827, l’église est démolie, le tribunal est transféré dans le bâtiment nouvellement construit, à l’est de l’ancien couvent. Au début du XXème siècle, après 1905, un bâtiment sur rue est ajouté contre l’aile est. Il abrite le logement du gardien de la prison. La prison est fermée en 1934. L’aile sud, vraisemblablement en mauvais état, est vouée à la ruine. L’édifice, désormais en partie amputé, est réutilisé comme école de musique à partir de 1990. Malgré les démolitions et les transformations carcérales du site, les bâtiments et les parties ruinées ont acquis valeur de paysage, composante essentielle de l’identité de Louviers. Les vestiges du cloître et les bâtiments au-dessus de l’Epervier forment un tableau « impressionniste » où se conjuguent la pierre, le végétal et l’eau dans une belle harmonie. C’est cette valeur paysagère qui a été mise en exergue et interprétée dans le projet de réutilisation.

LE PROGRAMME

Il s’agissait d’une part de doter la cité d’une nouvelle école de musique moderne, fonctionnelle, attractive et emblématique de la politique culturelle de la municipalité, d’autre part de mettre en valeur un patrimoine archéologique et un site d’exception au cœur de la ville. Enfin, le projet se devait d’exprimer la fonction, d’afficher une nouvelle image du lieu et de faire oublier son caractère carcéral. Le projet de la nouvelle école de musique de Louviers dans le couvent des Pénitents – 24 salles d’étude, une partothèque et deux grandes salles d’orchestre – posait une problématique particulière en matière de réutilisation en raison d’un programme très lourd dans lequel les extensions se révèlent plus importantes que le bâtiment qu’elles complètent. Ceci dans une parcelle très exiguë, ce qui a conduit à combler tous les espaces libres, à supprimer les « respirations » et à émerger au-dessus des murs de l’existant. Le résultat est un projet extrêmement compact où les parties neuves dominent sur les éléments anciens, alors que la construction historique semble l’emporter. C’est aussi un programme « intériorisé » dans lequel la plupart des fonctions réclament isolement et concentration et peuvent s’accommoder de la compacité et du caractère fermé du projet.

L’INTERVENTION ARCHITECTURALE
L’EXISTANT

Les restaurations et consolidations ont comporté bien sûr tous les confortements nécessaires à la parfaite stabilité des maçonneries – injections de mortier, rejointoiements, rocaillage, des ruines sur les parois de moellons affaiblies par le fluage des mortiers. Des enduits à la chaux grasse, à l’identique des fragments anciens encore en place ont été réalisés mais de façon légère, laissés à « pierre vue », pour conserver à cet ensemble ce caractère de « ruine romantique » qui lui confère cette expression paysagère si attachante. L’édifice dans son ensemble a été restauré «à l’identique» en le cristallisant dans l’état dans lequel il nous est parvenu, mais le pignon de l’aile Est sur la rue des Pénitents, altéré par les transformations de l’époque carcérale, a été restitué dans son état originel, visible sur les photographies du début du XXème siècle.

LES EXTENSIONS

Le couvent des Pénitents est une construction où les éléments architecturaux sont à échelle presque miniature, avec de arcades de cloître de 1,60 mètre de hauteur. Nous avons donc cherché à intégrer des extensions de volume extrêmement simple et d’expression très homogène pour ne pas introduire de mouvement qui écraserait les parties en place et rester dans le registre extrêmement mesuré et sobre de cet ensemble. Calmes, limpides les extensions malgré leur volume conséquent demeurent pures, lisses et sereines.

L’EXTENSION SUD

La deuxième extension en lieu et place des parties disparues de l’aile sud, expose sa façade sur l’eau, vers le cloître, vers la ville. Cette position remarquable en fait le visage du nouvel équipement. Elle abrite l’élément majeur du programme, la grande salle d’orchestre, salle de concert à ses heures, cadrée, magnifiée et mise en exergue comme représentative du programme. Elle est à la fois l’appel et l’emblème de l’école de musique, et composante de ce paysage insigne avec l’eau, la pierre et le végétal. Cette façade s’inscrit dans un simple rectangle de verre à bandes chromées qui reflète ses abords et se perd dans le ciel. Elle s’affiche comme ouverture sur la musique, image poétique avec ses abat-son souples et aériens qui se détachent sur le ciel. Elle a un double visage – douceur et suggestion le jour, lumières et éclat la nuit. Dans ce cadre clos et quelque peu austère elle seule peut exprimer la musique, c’est-à- dire l’art partagé, extériorisé, le travail, mais aussi la communion, le plaisir et la transmission. C’est une vitrine, un rideau levé sur la vie de l’établissement, une paroi lisse et calme où se fondent les reflets de l’eau, de la pierre et des nuages.

L’EXTENSION EST

Une première construction neuve prend place dans les anciennes cours de prison. C’est un volume clos, à trois faces aveugles qui prend le jour sur une rue intérieure, épine dorsale du projet, articulation entre l’ancienne et la nouvelle construction et permet la lecture de la façade ancienne sur toute sa hauteur. Cet espace d’attente pour les élèves, éclairé par une lumière zénithale, irrigue tout le projet et crée une respiration dans la densité de cet ensemble bâti.

LA FACADE VITRÉE

La façade nord est réalisée en vitrage feuilleté dont le parement intérieur est revêtu d’une couche miroir argenté (titane, siliconitride, chrome et siliconitride). Un système d’attache du verre non traversant laisse les fixations invisibles depuis l’extérieur. L’ensemble est maintenu sur des raidisseurs en inox poli miroir de 10 mm d’épaisseur et 25 cm de profondeur suspendus à une poutre caisson en acier mécanosoudé de section 450×900 mm servant de gaine de soufflage pour la salle d’orchestre.

LES PANNEAUX BÉTON EN MITOYEN

Les façades en limite de mitoyenneté sont traitées en panneaux de béton préfabriqué. Les panneaux, réalisés par l’entreprise Jousselin, de 8 cm d’épaisseur, de 1.80 m de largeur et de hauteur variable, épousent en partie basse l’arase de la maçonnerie ancienne. Ils sont raidis par des profilés métalliques à l’arrière des panneaux, fixés en tête sur le nez de dalle supérieure et maintenus en butée en partie basse sur l’ossature métallique verticale recevant le complexe d’isolation thermique et les parements intérieurs et les dalles béton des planchers intermédiaires.

1 Comment

  • Pere June 3, 2015

    Em sembla una solució excessivament estrident.

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